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Hiver 2019
 

AMBASSADEUR DE TERRAIN:
Contributions japonaises aux quatre coins du monde

Les oiseaux verts de Tokyo prennent leur envol à Paris

Des nuées d’« oiseaux verts » (Green Bird) sortis de leur nid tokyoïte ont traversé les océans. À la tête de cette nuée parisienne, une femme nommée Yoshiko Inai
 

Ikoma | NARA  奈良

 

 Il est dix heures du matin ce samedi, sous un ciel qui s’éclaircit après la pluie, et Yoshiko Inai attend sur un banc près d’un parc du 14ème arrondissement de Paris. À ses côtés, tout un nécessaire de nettoyage : gilets et gants verts, sacs poubelle et grandes pinces. C’est le jour du nettoyage mensuel. Certains ont vu l’annonce sur Internet, d’autres des messages sur les réseaux sociaux. Ils forment maintenant un groupe, constitué d’habitués de longue date et de nouveaux venus quelque peu hésitants. L’opération dure une heure : les bénévoles choisissent leur itinéraire, et ramassent les déchets sur leur chemin. Aujourd’hui, environ quarante personnes se sont rassemblées.
 Né à Tokyo en 2003, Green Bird est une organisation bénévole qui nettoie les rues de leurs déchets. Ce mouvement, mû par l’idée de « nettoyer sa ville pour embellir son cœur », s’est étendu à tout le Japon et touche désormais le monde entier. L’équipe de Paris a vu le jour de 2007. Mme Inai y a participé pour la première fois après avoir lu un article sur Internet en 2009 et a pris la tête de l’équipe en 2013. « Je me sentais frustrée par tous les déchets qui encombraient les rues. J’ai alors entendu parler du mouvement et me suis aussitôt lancée. La propreté rend tout tellement plus agréable et quand on voit le résultat, ça met de bonne humeur. Il y a aussi une certaine satisfaction dans le fait de contribuer à la société. »
 La communication avec le siège japonais et la mise en ligne sous forme de blog des activités mensuelles sur le site de Green Bird font partie des responsabilités de la chef d’équipe. C’est aussi elle qui fixe les lieux à nettoyer chaque mois. Les zones sélectionnées en priorité sont celles où la circulation piétonne est dense et, par conséquent, les déchets plus nombreux. Quand une action de nettoyage est en cours, les passants y vont souvent de leur commentaire. « “On paie des impôts, ça devrait être le travail de la ville de nettoyer les rues”, est la réaction la plus courante chez les Parisiens, peu habitués à voir les déchets ramassés par d’autres que les employés municipaux. On nous dit fréquemment : “Vous essayez de prendre le travail des autres ?” ou “Vous êtes payés pour ça ?” », raconte Mme Inai. « Mais quand j’explique que nous sommes tous bénévoles, les réactions sont toujours positives. » Elle poursuit : « Les gens jettent tous les jours. Ramasser les déchets une fois par mois ne suffira jamais à garder les rues propres. Ce n’est pas notre objectif. »
 Des rues propres font se sentir bien, et jeter est scandaleux. Plus cet état d’esprit se généralisera, plus les gens changeront d’attitude. Et c’est cela qui, selon Mme Inai, transformera notre environnement. Les bénévoles ont un rôle de miroir, ils donnent à voir ce comportement. Pour Mme Inai, c’est là toute la portée de l’action de Green Bird.
 Il y a dix ans, la plupart des participants étaient japonais, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Le nombre de bénévoles ne cesse d’augmenter avec les années et il n’est pas rare que cinquante personnes se présentent à chaque événement. « C’est très gratifiant qu’il y ait de plus en plus de bénévoles, dit Mme Inai, même si les rapports entre participants sont moins directs qu’auparavant. » Il y a toujours quelque chose à améliorer : « Je voudrais encourager une dynamique qui leur donne envie de devenir leaders à leur tour. »
 Les demandes de renseignements des pays voisins sont redirigées vers l’équipe de Paris. Grâce aux conseils de Mme Inai, le mouvement Green Bird s’est propagé à Stuttgart en Allemagne, au Cameroun et sous le nom d’« Action Casa » au Maroc. « Le dynamisme de l’équipe de Paris contribue à propager le mouvement vers les autres pays européens et francophones, et ça fait plaisir. » Dix ans après le lancement de cette initiative japonaise à Paris, elle a déjà déployé ses ailes vers les pays voisins.
 

Ikoma | NARA  奈良
Ikoma | NARA  奈良

Les uniformes sont composés de gants et de gilets de même couleur envoyés de Tokyo.


bravant un ciel couvert après la pluie, près de 40 personnes se sont regroupées pour le nettoyage du mois de novembre.

tous les déchets sont rassemblés en un point précis. Grâce à un accord avec la mairie, une équipe municipale vient tout collecter dans la foulée.

Un bénévole retirant avec soin les mégots de cigarettes et les emballages de bonbons. Les passants, curieux, engagent souvent la conversation.

 

Yoshiko Inai

Née au Japon en 1975, elle a vécu en Algérie jusqu’à l’âge de deux ans, puis en France de ses huit à dix-sept ans, avant d’entamer au Japon des études en culture comparée. Après avoir travaillé six ans au sein d’une entreprise japonaise, elle est arrivée en France en 2004. Impliquée dans les activités de Green Bird depuis 2009, elle dirige l’équipe de Paris depuis 2013.