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Hiver 2019
 
DOSSIER: Une société tournée vers la santé et la longévité

Contrôler sa santé au quotidien

Utiliser les toilettes comme lieu de veille sanitaire, détecter les maladies à un stade précoce à partir de l’analyse d’un cheveu : des avancées prometteuses pour l’avenir du Japon et le reste du monde

  
 Le Japon est le pays qui a la plus longue espérance de vie au monde. On estime qu’en 2050 près de 42% de sa population aura 60 ans ou plus.[1]
 Le Japon se veut ainsi une société qui encourage ses habitants à vieillir en meilleure santé. Les clefs de cette évolution sont les technologies de gestion de la santé et de diagnostic, indispensables pour prévenir les maladies avant qu’elles ne se déclarent. Des concepts novateurs sont actuellement étudiés et développés afin de parvenir à des solutions simples et indolores.
 

Ikoma | NARA  奈良

Les toilettes intelligentes : conçues pour le suivi de votre santé, elles s’insèrent parfaitement dans l’espace d’habitation.
L’historique des mesures est consultable directement sur l’appareil mais aussi depuis un ordinateur personnel (prototype non disponible à la vente).

 La société Toto, par exemple, développe et teste actuellement un nouveau modèle de toilettes. La société, entrée sur le marché au début des années 90, est un précurseur du suivi de la santé aux toilettes. En 2005, en collaboration avec le constructeur Daiwa House Industry, le fabricant a présenté des « toilettes intelligentes » capables de mesurer le taux de sucre dans les urines, la pression sanguine, la graisse corporelle et le poids, le tout conçu pour un logement ordinaire. Depuis, la société a conçu un modèle qui calcule l’indice de masse corporelle (IMC) et la température de l’urine (indicateur de la température corporelle interne), permettant ainsi aux femmes de prévoir leurs périodes de menstruation et d’ovulation. Le modèle n’est plus en vente, mais son ADN s’est transmis à d’autres produits.
 Toto vend actuellement le FlowSky Uroflowmetry, destiné aux établissements médicaux. Cet appareil est capable de mesurer le débit urinaire durant la miction, paramètre important pour diagnostiquer les symptômes des voies urinaires inférieures. « Nos travaux partent du principe que les informations corporelles obtenues durant le passage aux toilettes sont utiles pour mener une vie active saine et épanouie », souligne Michihiko Torio, directeur de la section de promotion des équipements médicaux chez Toto. Optimiste quant à l’avenir de la gestion de la santé grâce aux toilettes technologiques, M. Torio poursuit : « À n’en pas douter, de nombreuses perspectives s’offrent à nous. Nous comptons explorer ces opportunités pour les mettre au service de la société. »

Ikoma | NARA  奈良

Michihiko Torio
Au terme de son diplôme de troisième cycle à l’université de Kyushu, il est entré chez TOTO en 1994.
Directeur, Division de la planification commerciale des toilettes, Division de la promotion commerciale de l’équipement médical de TOTO, Ltd.

 Une autre démarche en vue de ces bilans de santé simples et indolores pourrait s’appuyer sur l’analyse des cheveux, dont le diamètre ne dépasse pas 0.1mm. Pour Takashi Tsuji du Centre RIKEN pour la recherche en dynamique des biosystèmes : « D’ici trois ans, il sera possible de faire des bilans de santé à partir d’un cheveu et d’ici cinq, de diagnostiquer des maladies. »
 Takashi Tsuji étudie depuis des années les traitements de régénération capillaire. La chevelure, qui n’est autre qu’une agrégation de cellules mortes initialement issues de la division des cellules profondes de la matrice du follicule pileux, pousse d’environ un centimètre par mois. Nos données sanitaires étant stockées de manière chronologique, un segment d’un centimètre à partir de la racine capillaire porte les informations de santé du dernier mois, et les onze centimètres qui suivent celles du reste de l’année.
 M. Tsuji pense qu’une analyse de la forme du cheveu et de l’état des substances qu’il contient, comme les protéines, prise comme une série de données sanitaires chronologiques, nous permettra de détecter plus rapidement les variations de l’état de santé et ainsi faciliter le dépistage et le traitement rapide de pathologies comme le cancer et le diabète.
 À la fin de l’année 2017, un groupe de sociétés acquises aux idées de Tsuji a formé un « Consortium du diagnostic capillaire » afin de développer un projet de diagnostic capillaire impliquant dix laboratoires du RIKEN et la participation de 21 sociétés et organisations. L’objectif initial est de constituer une base de données rassemblant des informations sanitaires issues des cheveux de 10 000 individus sur deux ans, afin de proposer des services de santé et des diagnostics à l’ensemble de la société. « En développant des systèmes de diagnostics capillaires et en offrant aux individus des indicateurs de santé précis, nous pouvons prévenir les maladies en recourant à des services de santé fondés sur la preuve scientifique », explique M. Tsuji. « L’objectif est d’aider les gens à rester plus longtemps en bonne santé et de tendre vers une société où les gens vivent mieux plus longtemps. »
 Le Japon s’orientant vers une société super-âgée dans un futur proche, le concept de soins indolores pourrait bien s’avérer particulièrement utile. [1] D’après l’étude 2017 des Nations unies sur le vieillissement de la population mondiale.

Dr Takashi Tsuji
Chef d’équipe, Laboratoire de régénération des organes, Centre Riken de recherche sur la dynamique des biosystèmes. Professeur à l’Université des sciences de Tokyo depuis 2007, il a pris son poste actuel en 2014.

Le cheveu est un « support de mémoire » qui stocke l’information sur l’état du corps au fil du temps.

 
[1] D’après l’étude 2017 des Nations unies sur le vieillissement de la population.