Pour nos Tomodachi Printemps 2018
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28Contribution : Dr Michael J. GreenCes dernières années, de nombreux intellectuels ont reproché au Japon d’être un « État réactif », incapable de toute action proactive ou stratégique. Dans mon livre Japan’s Reluctant Realism (2001), j’ai affirmé que la montée de la puissance chinoise obligeait le Japon à passer d’une ère de « diplomatie du chéquier » à une stratégie de politique étrangère basée sur une logique plus active d’équilibre des puissances. À l’époque, peu de spécialistes du Japon aux États-Unis partageaient cette opinion. Aujourd’hui, il existe un consensus beaucoup plus large parmi les intellectuels et diplomates pour dire que le Japon cherche en fait à prendre l’initiative dans le développement d’un ordre ouvert, basé sur des règles, dans la région indo-pacifique. Le débat se focalise désormais sur la question de savoir si la grande stratégie du Japon est efficace.La « stratégie pour un espace Indo-Pacifique libre et ouvert » est-elle la grande stratégie du Japon ?Qu’est-ce qu’une « grande stratégie » ? C’est l’intégration de tous les instruments de puissance nationale dans le but de créer un environnement externe plus favorable à la paix et à la prospérité. Ces instruments globaux de puissance sont diplomatiques, informationnels, militaires et économiques. Le succès des grandes stratégies est particulièrement important en temps de paix, puisque la guerre peut être considérée comme l’échec de la stratégie. Parfois les États poursuivent des grandes stratégies sans faire d’annonce explicite ; parfois ils annoncent en grande pompe une grande stratégie, mais ne réussissent pas à la mettre à exécution. Le gouvernement du Premier ministre Shinzo Abe a annoncé une « stratégie pour un espace Indo-Pacifique libre et ouvert ». Est-ce une grande stratégie ? Et sera-t-elle mise en œuvre efficacement ?Je crois que la « stratégie pour un espace Indo-Pacifique libre et ouvert » découle d’une vision stratégique du monde au Japon, même si tous les détails des objectifs nationaux et des instruments de puissance à utiliser n’ont pas été révélés. Cette vision du monde est que le Japon a tout à gagner d’un ordre régional basé sur l’État de droit, la transparence, l’ouverture, un ensemble de règles de qualité pour le commerce, l’investissement et les infrastructures, ainsi que sur la prévention d’actions coercitives contre les États plus petits. La « stratégie pour un espace Indo-Pacifique libre et ouvert », en tant que grande stratégie du JaponCette vision est largement partagée par les États-Unis, comme le montre également la décision de l’administration Trump d’adopter le même libellé de « stratégie pour un espace Indo-Pacifique libre et ouvert » pour sa stratégie dans la région. On peut à juste titre penser que la décision de l’administration Trump de se retirer du Partenariat transpacifique (PTP) affaiblit cette vision, mais il n’en reste pas moins que le Congrès et le peuple américain sont, en grande majorité, partisans du libre-échange, d’alliances fortes et d’un engagement américain accru en Asie. L’Australie et l’Inde, elles aussi, s’identifient pleinement dans la « stratégie pour un espace Indo-Pacifique libre et ouvert », comme le montre la création d’un forum quadrilatéral par les quatre grandes Dr Michael J. GreenVice-président principal pour l’Asie et chaire du Japon au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS). Directeur des études asiatiques et chaire de politique japonaise moderne et contemporaine et de politique étrangère à l’université de Georgetown. A occupé les postes d’assistant spécial auprès du président George W. Bush et de directeur principal pour l’Asie au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis (NSC).Cet article provient de l’anglais: https://www.japan.go.jp/tomodachi/2018/spring2018/contributed_article.html
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