Pour nos Tomodachi Nouvel An 2016
29/36

29J’ai grandi dans la campagne, en Irlande, où les chevaux et les vaches étaient plus nombreux que les hommes. J’étais loin d’imaginer qu’un jour, je vivrais dans un pays situé à l’autre bout de la planète. J’ai étudié la poésie et la philosophie à l’université et après avoir obtenu mon diplôme, je suis allé enseigner ces deux matières dans une université japonaise. Au départ, j’avais l’intention de séjourner seulement un an dans l’Archipel. Cela fait maintenant plusieurs dizaines d’années que j’y demeure et, plus le temps passe, plus le Japon reste pour moi un pays empreint de mystère où je continue à faire découverte sur découverte.Pour mieux comprendre l’âme japonaise, j’ai traduit en anglais la célèbre anthologie poétique Hyakunin isshu (One Hundred Poets, One Poem Each, « De cent poètes un poème ») compilée par Fujiwara no Teika (1162-1241). Je trouve qu’un grand nombre des poèmes de ce recueil ont un caractère universel et qu’ils sont à la portée des amateurs de poésie de tous les pays. Mais d’autres témoignent d’une sensibilité propre aux habitants de l’Archipel. Les poèmes sur les fleurs de cerisier notamment sont typiquement japonais. Le chapitre 82 des Contes d’Ise contient un échange de poèmes particulièrement emblématique à cet égard. Le héros, Narihira, écrit :Si seulementLes fleurs de cerisierN’existaient pas ici-bas,Au printemps les cœursConnaîtraient le calme.Quelqu’un lui répond :C’est parce qu’elles se dispersent Que les fleurs de cerisierSont si belles,Car dans cette vallée de larmesQuelle chose dure longtemps ?Pour les Japonais, la quintessence de la beauté réside dans son caractère éphémère alors que dans la littérature occidentale, ce qui est beau est traditionnellement associé à l’immortalité. Le second poème de l’échange des Contes d’Ise dit que dans un monde où tout est éphémère, la courte durée de vie des fleurs est précisément ce qui les rend belles. Après le terrible séisme qui a frappé le nord-est du Japon en mars 2011, j’ai décidé de me dévouer davantage à ma patrie d’adoption. Depuis, je consacre du temps à diffuser la culture de l’Archipel au Japon et dans le monde, et je traduis de la poésie japonaise en anglais, en signe de gratitude pour tous les bienfaits que ce pays m’a prodigués. Je viens de passer quatre années à traduire les Contes d’Ise, un merveilleux recueil de contes pleins d’élégance traitant de l’amour, qui date de l’époque de Heian (794-1185). Cet ouvrage résume à lui seul la poésie et l’esthétique raffinées de l’aristocratie du début de cette période. Il met en scène un monde où l’expression de l’amour dans ce qu’il a de plus profond passe par la poésie, et où la quête de l’être aimé va de pair avec un investissement total dans l’art poétique.J’ai par ailleurs traduit un grand nombre de poèmes sur le mont Fuji et réalisé une série d’estampes intitulée Thirty-Six New Views of Mount Fuji (« Trente-six nouvelles vues du mont Fuji »). Le Fuji est une montagne sacrée étroitement liée à la culture japonaise, célébrée dans la littérature et l’art de l’Archipel depuis le VIIe siècle. J’espère que mes Trente-six nouvelles vues du mont Fuji contribueront à faire comprendre l’importance culturelle de cette montagne sacrée non seulement au Japon mais aussi dans le reste du monde.Pour moi, le Japon est ma seconde patrie. C’est aussi le pays de l’harmonie et de la beauté, de l’élégance et de l’aventure, et une source inépuisable d’inspiration poétique et artistique. Bien qu’il se trouve aux antipodes du lieu où je suis né, je m’y sens vraiment comme chez moi. L’amour que je porte à l’Archipel et à ses habitants grandit de jour en jour et chaque instant est aussi nouveau que celui où je suis arrivé, il y a presque trente ans.La beauté éphémère des fleurs – Mon Japon bien-aiméCrane Fuji (Fuji-grue) – une estampe tirée des Thirty-Six New Views of Mount Fuji de Peter MacMillan – célèbre l’inscription du mont Fuji au patrimoine mondial de l’UNESCO et la diffusion de la culture japonaise à travers le monde. Cette série d’estampes fait directement référence aux « Trente-six vues du mont Fuji » du grand maître de l’ukiyo-e Katsushika Hokusai (1760-1849). © 2012 Peter MacMillan

元のページ 

10秒後に元のページに移動します

page 29

※このページを正しく表示するにはFlashPlayer10.2以上が必要です